LE LOTISSEMENT / 2015
Installation, 20 tentes, polyuréthanne, polyester, bois, dimensions variables.
« (…) Cette installation joue des anaphores visuelles et formelles. La répétition rythmée des tentes usinées, rappelant le mode de production de leur référent, placées dans un désordre apparent, invite le public à la contemplation, à la déambulation.
(…) Chaque tente présente des traitements différents (ondulations de surface, intérieurs plus ou moins dévoilés ou fermetures complètes) et chacune renvoie à la variété des vies, la diversité des histoires des sans-abris : expropriation, rupture sociale ou familiale, exil politique, économique ou religieux, quête d’une vie meilleure ou d’une terre d’accueil. Autant de situations uniques, complexes placées sous le même sous le même vocable ; autant de destins auxquels est proposé toujours une seule et unique solution d’habitat et donc d’habitus, de mode d’existence.
Le noir participe à l’harmonisation de ce paysage urbain, mais aussi à la négation, dans une architecture de pierre blanche, de cette société d’éphémères : Paris et son ombre. Ce lotissement, au cœur de la capitale, comme un mirage au cœur d’un désert révèle deux sociétés qui se construisent l’une sur l’autre, l’une aux dépens de l’autre, l’une malgré l’autre. Une ville qui semble se dresser comme des dunes, puis s’immobiliser en résistance contre un réseau urbain dense et limité. Cette poussée d’îlots humains, métaphore du morcellement de notre société, éclate une organisation urbaine vieille de 150 ans, limitée par ses frontières tant géographiques qu’économiques et sociales. Ce lotissement est vide, mais il n’est pas une ville fantôme, une ville-dortoir, on y sent l’attente, les allers-retours, la vie qui s’éternise, qui s’obscurcit… Les rêves se sont enfuis, les espoirs aussi.
Nous regardons ici, vraiment, ce que nous ne voyons plus – ou ne voulons plus voir – dans Paris (ou ailleurs). L’artiste nous amène, par cet autre lieu, à revenir sur cette situation humaine, à rompre notre distance habituelle, à remettre en cause nos impressions de déjà vus, et à nous confronter aux mirages de nos sociétés. »
Extrait du texte de Sophie Toulouze, historienne d’art.